Le gouvernement turc a lancé une offensive jeudi soir au Kurdistan irakien contre les autonomistes kurdes.
Déjà près de cent morts depuis l’incursion, jeudi
soir, de l’armée turque dans le Kurdistan irakien pour traquer les
rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui réclament
l’autonomie du Kurdistan. Avec 7 000 à 10 000 hommes sur le terrain,
Ankara a lancé cette offensive pour déloger les bases arrières des
indépendantistes du PKK dans les secteurs de Hakurk et Sidekan, au nord
de l’Irak. Les combats ont déjà fait 79 morts chez les rebelles et 7
chez les soldats turcs, a évalué l’armée turque. De son côté, le PKK a
annoncé avoir tué 22 soldats et abattu un hélicoptère.
Depuis le 16 décembre, sur la base d’informations
délivrées par les États-Unis, l’armée turque a déjà lancé à plusieurs
reprises des raids aériens et une opération terrestre en territoire
irakien, où s’est réfugié le PKK. L’option purement militaire a été
critiquée hier par Robert Gates, le secrétaire d’État à la Défense des
États-Unis. « Notre expérience en Irak et en Afghanistan nous
montre que régler le problème du terrorisme nécessite non seulement
l’emploi de la force, mais également des initiatives au plan économique », a-t-il fait valoir, en déplacement à Canberra. Même opinion du côté de Badgad. « Nous
comprenons parfaitement l’ampleur de la menace qu’affronte la Turquie,
mais la crise du PKK ne se réglera pas par des opérations militaires », a déclaré le porte parole du gouvernement irakien Ali al-Dabbagh.
En effet, cette intervention de l’armée turque pourrait ne pas tarder à envenimer la situation dans la zone. « Il
s’agit d’une incursion militaire limitée dans une région éloignée,
isolée et inhabitée. Mais si cela continue, je pense que cela pourrait
déstabiliser la région parce qu’une seule erreur pourrait conduire à
une escalade », a estimé le ministre irakien des Affaires
étrangères Hochiar Zebari. Hier, le PKK menaçait d’exporter les combats
au sein même des villes turques.
« Dans les grandes villes, les jeunes Kurdes
doivent donner une réponse à l’opération. La guérilla du Kurdistan, ce
n’est pas 7 000 ou 10 000 personnes, ce sont des centaines de milliers
de personnes », a expliqué le chef de l’aile militaire du PKK Bahoz Erdal à l’agence Firat News. Et de menacer : « S’ils veulent nous détruire, nos jeunes doivent rendre la vie dans les grandes métropoles insupportables (…), les jeunes Kurdes doivent se réunir par groupes de deux pour brûler chaque soir des centaines de voitures. »
Avec l’incursion militaire, c’est l’option militaire
choisie par les gouvernements turcs successifs qui est en cause. Depuis
1984, le conflit entre Ankara et la guérilla du PKK a déjà fait plus de
37 000 victimes. Les tentatives des Kurdes d’organiser des partis
agissant au sein des institutions turques ont échoué. Ainsi, le HEP, le
DEP et le HADEP ont été dissous successivement en 1993, 1994, et 2003.
Dans son « rapport de suivi » concernant l’élargissement de l’Union européenne pour 2007, la Commission estimait que « dans
l’ensemble, la Turquie n’a fait aucun progrès pour garantir la
diversité culturelle et promouvoir le respect et la protection des
minorités dans le cadre des normes européennes ».
L’Humanité, 25 février 2008